Lundi dernier s’est achevée ma première année scolaire en tant qu’enseignant. L’occasion pour moi de faire le point sur ce qui m’a marqué. Je n’aurais probablement pas assez d’un article tant cette expérience aura été riche d’enseignements mais je vais tout de même essayer de coucher ici ces pensées tant que tout cela est encore frais dans mon esprit !
Le contexte
Durant une année scolaire j’ai enseigné 2 disciplines informatiques qui me tiennent à coeur : les bases de l’algorithmique à des Bac+1, et la programmation orientée objet à des Bac+2. Cours, TDs, TPs, je m’occupais de tous ces aspects. Je voyais chaque classe une demi-journée par semaine. 4 heures durant lesquelles nous alternions donc théorie et pratique pour un total d’une cinquantaine d’heures dans chaque matière.
Proposer un cours construit demande une sacré préparation
J’adore mon métier, j’adore l’informatique, et plus particulièrement ces 2 matières que sont l’algorithmique et la Programmation Orientée Objet (POO pour les intimes). Pour autant, je n’aurais pas imaginé qu’il puisse être si difficile de construire un cours qui soit à la fois complet, agréable à suivre, et suffisamment illustré pour permettre à chacun d’assimiler chacune des notions. Pour chaque séance de 4h, je peux passer autant de temps à sa préparation. C’est une chose que de connaître parfaitement son sujet, s’en est une autre que de transmettre cette connaissance à autrui, qui plus est quand il s’agit de personnes complètement novices dans le domaine.
Une séance de 4 heures c’est long
Bassiner des étudiants avec le même sujet pendant quatre heures de rang entraîne une charge cognitive conséquente pour leurs esprits ! Je dois constamment les stimuler pour ne pas qu’ils se tournent vers des pensées plus légères ! Alterner Cours / TDs / TPs est un moyen simple pour éviter qu’ils ne s’ennuient. Sans surprise, le story telling des exercices joue un rôle décisif sur l’implication des étudiants à leur résolution. Pour travailler une notion quelle qu’elle soit, ils préfèrent écrire un programme qui simule le fonctionnement d’un bar à cocktails, plutôt qu’un autre qui permet de suivre la production d’une usine de tuiles… Du coup j’apporte un soin particulier à la rédaction des exercices et je n’hésite pas à rajouter un peu de fun ! Ma grande victoire c’est quand je vois même les étudiants les moins studieux se prendre la tête pour qu’enfin, ce FoodTruck puisse vendre ce « Burger Of The Death » qui les fait saliver.
En 2014, des cours d’informatique sur Powerpoint ?
Loin de moi l’idée de critiquer Powerpoint, ce logiciel est d’une puissance incroyable et il a fait ses preuves depuis longtemps en entreprise. Pour mes cours cependant je lui préfère, et de loin, le moteur reveal.js, utilisable même sans écrire une seule ligne de code via le site slides.com. C’est gratuit, c’est beau, c’est clair, ça s’adapte indifféremment à un affichage sur PC/Smartphone/Tablette, ça ne nécessite rien d’autre qu’un navigateur (pas trop vieux il est vrai) pour l’édition ou la présentation… Bref j’ai été conquis ! C’est tout de même plus raccord avec le domaine enseigné et les étudiants ont été sensibles à cela, alors pourquoi s’en priver ?
Toujours du côté « pratique », je souffre pour les personnes qui diffusent des présentations sans pouvoir s’écarter de leur PC portable, parfois au prix de devoir supporter la lumière du vidéo-projecteur en plein visage pendant toute une séance. On trouve désormais de très bonnes télécommandes pour présentation, certaines même incluant un laser pour pouvoir pointer facilement un élément sur une diapo. J’ai utilisé toute l’année une télécommande de chez Logitech dont je ne pourrai plus me passer, et ça fait tout de même plus professionnel. Mon seul regret ? Elle ne comporte pas de flèches « haut » et « bas » pour utiliser les diapositives verticales de reveal.js/slides.com.
J’ai compris les maux de mes propres enseignants
Quand on est étudiant, on pense assez rarement à l’envers du décor. On s’imagine la vie des profs plutôt « tranquille »… Mais prenons le cas des « devoirs maisons » par exemple. Ces sujets sont généralement assez touffus et nécessitent plusieurs heures de travail de la part des étudiants pour être complété. Mais quand vient le temps de correction, même si vous connaissez les solutions, il est souvent nécessaire de rentrer en détail dans la copie pour la corriger. Vous n’y passerez pas 4 heures comme l’étudiant, ni même 2 heures ou 1 heure… Mais même si vous n’y passez que 10 minutes, un rapide calcul s’impose : 10 minutes * 42 étudiants = 420 minutes, soit 7 heures. A quelle fréquence proposeriez-vous donc des devoirs maisons de cette taille s’il vous fallait à chaque fois passer 7 heures à sa correction ?
L’évaluation éclair, le meilleur ennemi des étudiants ?
La question des notes est une question à laquelle tout enseignant est rapidement confronté… Pour l’étudiant le sujet est sensible : de ses notes découlent de nombreuses conséquences pour lui car elles seront examinées par ses parents, prises en compte pour son passage/l’obtention de son diplôme, comparées entre elles par les autres étudiants etc.
Pour moi, les notes sont un outil. En premier lieu, elles me permettent de situer le travail des étudiants, et surtout leur compréhension du cours. En second lieu, la perspective d’être évalué motive les étudiants à travailler. Ainsi, les noter régulièrement permet d’entretenir cette motivation et donc ce travail. Toute la question est donc de noter régulièrement les étudiants sans passer ses journées à en faire les corrections.
Ma solution à ce problème en fera certainement bondir quelques uns. J’évalue mes étudiants à chaque cours. Tous. Mais au lieu de les faire plancher sur un sujet d’1 heure, l’évaluation ne comporte que 10 questions, à remplir en 10 minutes. En 10 minutes, vous ne pouvez pas leur demander de développer l’algorithme qui calculera le plan de vol de la prochaine fusée ariane, mais vous pouvez voir s’ils ont révisé leur cours. On corrige à l’oral cette évaluation en suivant et ensuite la séance peut véritablement démarrer.
Les avantages sont multiples, pour les 2 parties.
Pour les étudiants
- Ils sont forcés de relire à minima leur cours pour assurer une note correcte
- La correction orale permet de rappeler le contexte de la séance passée
- La note leur permet de comprendre s’ils ont assimilé les notions précédentes
- Il n’est pas difficile d’avoir de bonnes notes pour quiconque ayant suivi le cours
Pour l’enseignant
- Cela diminue grandement les retards (et oui, si tu arrives avec 6 minutes de retard, cela ne t’en fait plus que 4 pour compléter l’évaluation)
- Cela permet de voir exactement quelles notions ont été assimilées par la classe… ou pas
- C’est rapidement préparé (entre 10 et 30 minutes suivant l’inspiration)
- C’est rapidement corrigé (dans mon cas moins d’1heure pour 42 copies)
Quand j’ai présenté cette pratique au début de l’année à mes étudiants, ils ont bondit. 6 mois plus tard quand on s’est quitté, ils m’ont avoué sans que je leur en parle avoir compris l’intérêt de cette méthode. Pour moi c’est un succès.
Cet article touche à sa fin même si je sais que je pourrais encore écrire pendant des heures sur le sujet sans tarir.
Enfin, je ne peux finir cet article sans remercier les personnes qui m’ont offert cette opportunité d’enseigner, c’est quelque chose qui m’a toujours tenté, maintenant je peux en parler. Je remercie également tous mes étudiants pour leur patience, la complicité que j’ai pu avoir avec eux et le plaisir que j’ai éprouvé à leur transmettre mes connaissances.
Crédits photo : Vitor Antunes, SWoo